Inaptitude
Mise à jour : 12 avril 2023Dans les 15 jours suivant sa notification, l'avis d'inaptitude peut être contesté devant le conseil de prud'hommes, suivant une procédure accélérée. Mais ce contentieux ne suspend pas la procédure d'inaptitude : l'employeur doit la poursuivre jusqu'à ce qu'intervienne la décision prud'homale.
L'avis d'inaptitude peut-il encore être contesté après le délai de 15 jours ?
Non, les éléments médicaux de l'avis d'inaptitude ne pourront plus être contestés une fois le délai de 15 jours écoulé, même à l'occasion d'un autre contentieux devant le conseil de prud'hommes Cass. soc., 21 sept. 2017, no 16-16.549.
Remarque
Le Code du travail ne précise pas devant quelle juridiction l'employeur doit agir lorsque la contestation porte sur des éléments qui ne sont pas de nature médicale (par exemple, le suivi de la procédure menant au constat de l'inaptitude). Le conseil de prud'hommes semble compétent selon la procédure classique (et non la procédure accélérée). Il est donc a priori possible de contester les éléments non médicaux de l'avis dans le cadre, par exemple, d'un contentieux sur le licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement.
Quand et où contester l'avis d'inaptitude ?
Les éléments de nature médicale justifiant l'avis d'inaptitude peuvent être contestés par l'employeur ou le salarié :
- dans un délai de 15 jours suivant la notification de l'avis d'inaptitude C. trav., art. R. 4624-45
- suivant la procédure accélérée au fond du conseil de prud'hommes.
Remarque
Le point de départ du délai de 15 jours pour saisir le conseil de prud'hommes court à compter de la notification de l'avis d'inaptitude par le médecin du travail, et non pas à compter de la notification des éléments médicaux justifiant la position du médecin du travail Cass. soc., 2 juin 2021, nº 19-24.061. À noter que, si l'avis d'inaptitude est remis en main propre, le point de départ du délai de contestation ne court que si cet avis d'inaptitude a été remis contre récépissé ou émargement Cass. soc., 2 mars 2022, no 20-21.715.
L'employeur doit informer le médecin du travail de l'existence d'une contestation de son avis d'inaptitude, que la contestation soit initiée par lui-même ou par le salarié C. trav., art. L. 4624-7.
Avant de saisir le conseil des prud'hommes, l'employeur (ou le salarié) peut contester par écrit les conclusions du médecin du travail et lui demander de faire évoluer son avis, notamment au vu des informations qu'il est en mesure de lui fournir (par exemple, en lui expliquant les exigences réelles liées au poste de travail) C. trav., art. L. 4624-6.
Astuce
La contestation par écrit des conclusions du médecin du travail permet à l'employeur de préparer utilement son argumentation s'il entend contester l'avis d'inaptitude devant le conseil de prud'hommes. Il est possible de contester les conclusions mais aussi toutes les indications et propositions du médecin du travail. À noter également que la procédure accélérée de contestation devant le conseil de prud'hommes concerne tout à la fois les avis, les propositions, les conclusions écrites ou les indications émises par le médecin du travail. L'employeur peut donc saisir le conseil de prud'hommes avant même que l'avis d'inaptitude lui soit notifié, dès que le médecin du travail lui transmet une proposition, des conclusions écrites ou des indications, ce qui peut être très utile pour accélérer la procédure contentieuse C. trav., art. L. 4624-7. La chambre sociale n'exclut pas tout examen à cette occasion de la procédure suivie par le médecin du travail puisqu'elle a indiqué que le juge pouvait examiner les éléments de toute nature sur lesquels le médecin du travail s'est fondé Cass. avis, 17 mars 2021, nº 15002.
Qui paie les éventuelles mesures d'instruction devant le conseil de prud'hommes ?
C'est le conseil de prud'hommes qui décide, dans son jugement, qui prend en charge les honoraires et frais liés à la mesure d'instruction.
Les juges peuvent, en expliquant pourquoi, décider de ne pas mettre tout ou partie des honoraires et frais d'expertise à la charge de la partie perdante, sauf toutefois si l'action en justice était dilatoire ou abusive Les actions en justice sont rarement reconnues dilatoires ou abusives. Elles le sont en général lorsque la personne qui agit le fait de mauvaise foi, pour faire « perdre du temps » à la personne contre laquelle elle agit ou pour obtenir quelque chose qu'elle sait ne pas être sien. C. trav., art. L. 4624-7.
Lorsque le conseil de prud'hommes a été saisi par le salarié, que doit faire l'employeur en attendant la décision prud'homale ?
La saisine du conseil de prud'hommes ne suspend pas les procédures en cours. Ainsi, si le salarié conteste son avis d'inaptitude, en attendant le jugement :
- légalement, l'employeur a la possibilité de licencier le salarié s'il ne peut pas le reclasser Cass. soc., 28 janv. 2004, no 01-46.913
- toutefois, il prend un risque : si le conseil de prud'hommes juge que le salarié est finalement apte à son poste, le licenciement sera jugé sans cause réelle et sérieuse Cass. soc., 31 mars 2016, no 14-28.249. À noter que, dans ce cas, le salarié ne peut pas demander sa réintégration dans l'entreprise. Il peut seulement obtenir des dommages et intérêts Cass. soc., 4 oct. 2007, no 06-43.131
- si l'employeur ne licencie pas le salarié, il doit bien veiller à reprendre le paiement du salaire au bout d'un mois suivant la notification de l'avis d'inaptitude C. trav., art. L. 1226-4C. trav., art. L. 1226-11Cass. soc., 9 avr. 2008, no 07-41.141. Ces salaires sont acquis au salarié. Même si l'avis d'inaptitude est annulé et remplacé par un avis d'aptitude, l'employeur ne peut pas demander leur remboursement Cass. soc., 28 avr. 2011, no 10-13.775.
Comment le conseil de prud'hommes rend-il sa décision ?
Pour statuer, le conseil de prud'hommes a la possibilité de confier une mesure d'instruction au médecin-inspecteur du travail territorialement compétent. En pratique, le conseil de prud'hommes va fixer une somme à consigner, en vue de couvrir les frais d'intervention du médecin-inspecteur du travail C. trav., art. R. 4624-45-1. Le médecin-inspecteur du travail a la faculté de se faire assister par un tiers et peut également entendre le médecin du travail.
Remarque
Un autre médecin-inspecteur du travail que celui territorialement compétent peut être désigné s'il y a une demande de récusation (remplacement) pour risque d'impartialité, par exemple, si le médecin du travail avait sollicité son avis C. trav., art. R. 4624-43C. trav., art. R. 4624-45-2.
L'employeur peut, pour sa part, mandater un médecin à qui seront notifiés les éléments médicaux ayant fondé les avis, propositions, conclusions écrites ou indications émis par le médecin du travail. L'employeur ne peut en effet accéder à ces informations, compte tenu du secret médical. Le salarié est informé de la transmission de ces informations médicales.
Que se passe-t-il si l'avis d'inaptitude est annulé ?
Si l'avis d'inaptitude est annulé et remplacé par un avis d'aptitude, le contrat de travail n'est plus suspendu. Le salarié doit reprendre le travail et l'employeur le paiement du salaire Cass. soc., 26 nov. 2008, no 07-43.598. Si, en application de l'avis d'inaptitude, le salarié avait été reclassé dans un autre emploi, il doit être réintégré dans ses précédentes fonctions Cass. soc., 28 janv. 2010, no 08-42.702.
Remarque
Dans le cas contraire, lorsqu'un avis d'inaptitude se substitue à un avis d'aptitude, l'employeur doit chercher un reclassement (ou licencier le salarié s'il est indiqué dans l'avis que le reclassement est impossible) et reprendre le paiement du salaire sous un délai d'un mois. Ce délai court à compter de la date de la décision ayant conclu à l'inaptitude et non à compter de la date de l'avis d'aptitude initial Cass. soc., 20 déc. 2017, no 15-28.367.
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Procédure de licenciement pour inaptitude
La contestation par écrit des conclusions du médecin du travail permet à l'employeur de préparer utilement son argumentation s'il entend contester l'avis d'inaptitude devant le conseil de prud'hommes. Il est possible de contester les conclusions mais aussi toutes les indications et propositions du médecin du travail. À noter également que la procédure accélérée de contestation devant le conseil de prud'hommes concerne tout à la fois les avis, les propositions, les conclusions écrites ou les indications émises par le médecin du travail. L'employeur peut donc saisir le conseil de prud'hommes avant même que l'avis d'inaptitude lui soit notifié, dès que le médecin du travail lui transmet une proposition, des conclusions écrites ou des indications, ce qui peut être très utile pour accélérer la procédure contentieuse C. trav., art. L. 4624-7. La chambre sociale n'exclut pas tout examen à cette occasion de la procédure suivie par le médecin du travail puisqu'elle a indiqué que le juge pouvait examiner les éléments de toute nature sur lesquels le médecin du travail s'est fondé Cass. avis, 17 mars 2021, nº 15002.
Codes, lois et réglementation
Code du travail, Article L. 1226-4
Code du travail, Article L. 1226-11
Code du travail, Article L. 4624-6
Code du travail, Article R. 4624-43
Code du travail, Article R. 4624-45-1
Code du travail, Article L. 4624-7
Code du travail, Article R. 4624-45
Code du travail, Article R. 4624-45-2
Jurisprudence
Cour de cassation, Chambre sociale, Arrêt nº 173 du 28 janvier 2004, Pourvoi nº 01-46.913
Cour de cassation, Chambre sociale, Arrêt nº 769 du 9 avril 2008, Pourvoi nº 07-41.141
Cour de cassation, Chambre sociale, Arrêt nº 2017 du 26 novembre 2008, Pourvoi nº 07-43.598
Cour de cassation, Chambre sociale, Arrêt nº 1950 du 4 octobre 2007, Pourvoi nº 06-43.131
Cour de cassation, Chambre sociale, Arrêt nº 242 du 28 janvier 2010, Pourvoi nº 08-42.702
Cour de cassation, Chambre sociale, Arrêt nº 942 du 28 avril 2011, Pourvoi nº 10-13.775
Cour de cassation, Chambre sociale, Arrêt nº 712 du 31 mars 2016, Pourvoi nº 14-28.249
Cour de cassation, Chambre sociale, Arrêt nº 1959 du 21 septembre 2017, Pourvoi nº 16-16.549
Cour de cassation, Chambre sociale, Arrêt nº 2702 du 20 décembre 2017, Pourvoi nº 15-28.367
Cour de cassation, Autre, Avis nº 15002 du 17 mars 2021, Demande d'avis nº 21-70.002
Cour de cassation, Chambre sociale, Arrêt nº 648 du 2 juin 2021, Pourvoi nº 19-24.061
Cour de cassation, Chambre sociale, Arrêt nº 240 du 2 mars 2022, Pourvoi nº 20-21.715