Rétrogradation et mutation
Mise à jour : 02 mai 2022La rétrogradation consiste en un déclassement professionnel ou une baisse de responsabilités, accompagnés d'une diminution de rémunération suite à une faute du salarié. La mutation disciplinaire consiste, quant à elle, en un déplacement d'un salarié vers un autre service, atelier, établissement suite à des faits fautifs de ce salarié. Dans de nombreux cas, ces deux sanctions modifient le contrat de travail. Le salarié peut donc les refuser sans que son refus constitue un motif de licenciement.
Qu'est-ce que la rétrogradation disciplinaire ?
La rétrogradation disciplinaire est un déclassement professionnel ou une baisse des responsabilités accompagnée d'une diminution de la rémunération du salarié suite à une faute du salarié. Elle entraîne une modification du contrat de travail du salarié et ne peut donc pas lui être imposée. Elle nécessite son accord pour être mise en place Cass. soc., 17 juin 2009, no 07-44.570.
Remarque
La rétrogradation est autorisée alors même qu'elle a pour conséquence une réduction de salaire. Elle n'est pas analysée comme étant une sanction pécuniaire prohibée dans la mesure où la diminution de la rémunération résulte de l'affectation du salarié à une fonction ou un poste de moindre qualification Cass. soc., 12 janv. 2005, no 02-46.571.
Exemple
- La décision de l'employeur de retirer à un salarié la responsabilité de la direction de l'équipe commerciale en raison de difficultés causées par son comportement vis-à-vis de ses subordonnés, qui s'estiment victimes de harcèlement moral est une rétrogradation disciplinaire Cass. soc., 25 mai 2011, no 09-71.026.
- En revanche, la mesure consistant à écarter un salarié de certaines fonctions (cesser tout rapport avec la clientèle et s'en tenir à l'étude de certains dossiers, sans rétrogradation et sans reproche de faute) n'est pas une sanction mais relève du pouvoir d'organisation de l'employeur Cass. soc., 10 juill. 1995, no 94-40.610.
- Pour plus d'exemples, voir tableau.
Qu'est-ce qu'une mutation disciplinaire ?
La mutation consiste à imposer au salarié un changement de son lieu d'affectation. Il peut s'agir d'un changement de service, d'atelier ou d'établissement. Elle peut s'accompagner ou non d'un déplacement géographique du lieu de travail. Contrairement à la rétrogradation, elle n'entraîne pas de déclassement professionnel, ni de diminution de salaire.
Le salarié doit donner son accord sur la mutation disciplinaire lorsqu'elle modifie son contrat de travail, c'est-à-dire lorsque toutes les conditions suivantes sont réunies :
- un lieu de travail exclusif est mentionné de manière claire et précise dans son contrat de travail Cass. soc., 26 oct. 2011, nº 09-71.322
- le contrat de travail ne comporte pas de clause de mobilité
- le lieu d'affectation du salarié n'est pas situé dans le même secteur géographique Cass. soc., 17 juin 2009, no 07-44.570.
Si l'une de ces conditions fait défaut, l'employeur peut appliquer la sanction sans l'accord du salarié. Il convient également de vérifier si un accord collectif Accord d'entreprise, d'établissement ou de branche. L'accord d'entreprise ou d'établissement prime sur celui de la branche. oblige l'employeur a recueillir l'accord du salarié en cas de mobilité géographique.
Exemple
- La mutation d'une salariée dans un autre atelier et à un autre emploi soumis à un contrôle des cadences, motivée par sa lenteur et sa dissipation est une mutation disciplinaire Cass. soc., 29 mai 2002, no 00-40.996.
- La mutation dans un magasin du Kremlin-Bicêtre après une mesure d'interdiction d'accès au magasin situé à Vélizy, suite à un comportement du salarié de nature à nuire à la réussite d'une opération commerciale est une mutation disciplinaire Cass. soc., 15 janv. 2002, no 99-45.979.
- Pour plus d'exemples, voir tableau.
La rétrogradation et la mutation doivent-elles être prévues par le règlement intérieur ?
Oui, dans les entreprises de 50 salariés et plus, où il est obligatoire d'élaborer un règlement intérieur, l'employeur ne peut prononcer que les sanctions qui sont prévues par celui-ci. La rétrogradation et la mutation disciplinaires doivent donc être prévues par le règlement intérieur dans ces entreprises.
Si une telle sanction est prononcée en l'absence de règlement intérieur dans une entreprise de 50 salariés et plus, la sanction est nulle Cass. soc. 26 oct. 2010 nº 09-42.740. L'employeur pourra en revanche prononcer une autre sanction parmi celles qui figurent dans le règlement intérieur.
Quels faits peuvent justifier une rétrogradation ou une mutation ?
Les faits qui justifient une rétrogradation ou une mutation sont généralement plus graves que ceux justifiant une sanction légère (avertissement ou blâme) ou une mise à pied. Il est vivement conseillé que les faits qui justifient une rétrogradation justifient également un licenciement disciplinaire car si le salarié ne donne pas son accord sur la rétrogradation ou la mutation, l'employeur peut choisir de le licencier.
Exemple
- Pour la rétrogradation :
- Le fait d'installer un dispositif d'écoute pour suivre les conversations de ses supérieurs hiérarchiques justifie une rétrogradation Cass. Soc, 26 février 2002, no 00-41.064.
- Le fait de falsifier et surcharger des notes de frais justifie une rétrogradation Cass. Soc, 24 mars 1988, no 86-41.600.
- Pour plus d'exemples, voir tableau.
- Pour la mutation :
- La lenteur et la dissipation d'une salariée justifient sa mutation dans un autre atelier et à un autre emploi soumis à un contrôle de cadences Cass. soc., 29 mai 2002, no 00-40.996.
- L'excès de familiarités avec les membres du personnel, des absences non justifiées et la tenue répétée de propos racistes au sein du magasin qui l'employait justifient la mutation dans le cadre de la clause de mobilité du salarié Cass. soc., 17 janv. 2018, no 16-19.835.
- Pour plus d'exemples, voir tableau.
Remarque
Généralement, l'échelle des sanctions, fixée par le règlement intérieur comporte dans l'ordre croissant : l'avertissement ou le blâme, la mise à pied, la mutation, la rétrogradation et le licenciement.
Comment le salarié peut-il contester la rétrogradation et la mutation ?
Dans les entreprises de 50 salariés et plus, si l'employeur notifie une sanction dont la nature n'est pas fixée dans le règlement intérieur, la sanction est nulle Cass. soc., 23 mars 2017, no 15-23.090.
Si la sanction est injustifiée, disproportionnée ou irrégulière le juge peut l'annuler même si le salarié a accepté la sanction C. trav., art. L. 1333-2Cass. soc., 14 avr. 2021, no 19-12.180.
Si l'employeur notifie la sanction qui modifie le contrat de travail du salarié sans recueillir l'acceptation du salarié (c'est-à-dire sans l'avoir informé de son droit de refus ou sans avoir recueilli sa signature à l'avenant de son contrat de travail ou à un document actant de son acceptation), celui-ci pourra :
- demander la rupture de son contrat de travail aux torts de l'employeur Cass. soc., 22 juin 2011, no 09-43.321 :
- soit en sollicitant la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur Cass. soc., 26 oct. 2011, no 10-19.001
- soit en prenant acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de l'employeur Cass. soc., 14 févr. 2001, no 98-46.259. La prise d'acte ne sera justifiée que si la sanction est exécutée. Si la prise d'acte est exécutée avant que la rétrogradation ne soit mise en œuvre, elle produit les effets d'une démission Cass. soc., 23 mai 2013, no 12-15.539
- réclamer son statut antérieur, par exemple son statut de cadre Cass. soc., 15 juin 2000, no 98-43.400
- exiger la poursuite du contrat de travail aux conditions initiales, avec restitution complète des fonctions d'origine et de la rémunération correspondante Cass. soc., 29 mai 2013, no 12-13.437.
Remarque
Lorsqu'un salarié refuse de joindre une première mutation en application de sa clause de mobilité en raison de ses convictions religieuses, une mutation disciplinaire peut être prononcée à l'égard de ce salarié. Cette mesure ne constitue pas une mesure discriminatoire et ne sera pas annulée par le juge dans la mesure où elle est motivée par une exigence professionnelle essentielle et déterminante (effectuer ses fonctions en application de sa clause de mobilité qui était valable) et proportionnée au but recherché (maintenir la relation de travail en affectant le salarié sur un autre site) Cass. soc., 19 janv. 2022, nº 20-14.014.
Est-il possible de prononcer une rétrogradation ou une mutation en l'absence de règlement intérieur ?
Non en principe, sauf dans les entreprises de moins de 50 salariés qui ne sont pas obligées de mettre en place un règlement intérieur C. trav., art. L. 1311-2C. trav., art. R. 1321-5. Celles-ci sont libres de prononcer une rétrogradation ou une mutation dès lors qu'elles jugent que la sanction est appropriée aux faits reprochés. Lorsqu'il y a modification du contrat de travail, l'accord du salarié est également requis (voir § et §).
Attention
L'employeur doit pouvoir rapporter la preuve que le seuil d'effectif de l'entreprises était, au jour de la sanction, habituellement resté inférieur à 50 salariés pendant 12 mois Cass. soc., 6 janv. 2021, no 19-14.440.
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Exemples de rétrogradations disciplinaires justifiées
Type de faits | Faits fautifs sanctionnés par une rétrogradation |
Écoutes illicites | Installer un dispositif d'écoute pour suivre les conversations de ses supérieurs hiérarchiques justifie une rétrogradation Cass. soc., 26 février 2002, no 00-41.064 |
Exécution des tâches | Des lacunes imputables au salarié dans l'approvisionnement et le remplissage des rayons d'un supermarché ainsi que des négligences au niveau de l'inventaire justifient une rétrogradation de chef de rayon à second de rayon Cass. soc., 25 avril 2001, no 99-41.681 |
Dégradation du lieu de travail | Le saccage des locaux de travail justifie une rétrogradation CA de Limoges, 16 septembre 2008, no RG 07/01667 |
Falsification de documents
| Falsifier et surcharger de notes de frais justifie rétrogradation de chauffeur à chargé des finitions Cass. soc., 24 mars 1988, no 86-41.600 |
Harcèlement moral | La décision de l'employeur de retirer à un salarié la responsabilité de la direction de l'équipe commerciale en raison de difficultés causées par son comportement vis-à-vis de ses subordonnés, qui s'estimaient victimes de harcèlement moral justifie une rétrogradation Cass. soc., 25 mai 2011, nº 09-71.026 |
Exemples de mutations disciplinaires justifiées
Types de faits | Faits fautifs sanctionnés par une mutation disciplinaire |
Injures et absences injustifiées | L'excès de familiarités avec les membres du personnel, des absences injustifiées et la tenue répétée de propos racistes au sein du magasin qui l'employait justifie la mutation dans le cadre de la clause de mobilité du salarié Cass. soc., 17 janv. 2018, no 16-19.835 |
Indiscipline | La lenteur et la dissipation d'une salariée justifient sa mutation dans un autre atelier et à un autre emploi soumis à un contrôle de cadences Cass. soc., 29 mai 2002, no 00-40.996 |
Insubordination | Le comportement de nature à nuire à la réussite d'une opération commerciale justifie une mesure d'interdiction d'accès au magasin Vélizy puis une mutation au Kremlin Bicêtre Cass. soc., 15 janv. 2002, no 99-45.979 |
Insuffisance professionnelle | Les mauvais résultats obtenus par un salarié à Marseille justifient sa mutation à Bordeaux (Cass. soc., 11 juil. 2001, no 99-41.574) |
Manquements à des obligations d'hygiène et de sécurité et absences injustifiées | Le fait de nettoyer du matériel dangereux dans des conditions dangereuses et les absences injustifiées du salarié justifient sa mutation disciplinaire d'un site de l'entreprise à un autre situé dans le même secteur géographique. Cette mutation disciplinaire constitue un simple changement des conditions de travail Cass. soc., 10 mai 2012, no 11-18.661 |
Retards injustifiés | Les retards injustifiés de la salariée justifient sa mutation disciplinaire dans le même secteur géographique que son poste précédent conformément aux stipulations de sa clause de mobilité Cass. soc., 5 déc. 2012, nº 11-21.365 |
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Rétrogradation et mutation : la procédure
L'employeur doit pouvoir rapporter la preuve que le seuil d'effectif de l'entreprises était, au jour de la sanction, habituellement resté inférieur à 50 salariés pendant 12 mois (Cass. soc., 6 janv. 2021, no 19-14.440).
Codes, lois et réglementation
Code du travail, Article L. 1333-2
Code du travail, Article L. 1311-2
Code du travail, Article R. 1321-5
Jurisprudence
Cour de cassation, Chambre sociale, Arrêt nº 1.268 du 24 mars 1988, Pourvoi nº 86-41.600
Cour de cassation, Chambre sociale, Arrêt nº 3182 du 10 juillet 1995, Pourvoi nº 94-40.610
Cour de cassation, Chambre sociale, Arrêt nº 2841 du 15 juin 2000, Pourvoi nº 98-43.400
Cour de cassation, Chambre sociale, Arrêt nº 677 du 14 février 2001, Pourvoi nº 98-46.259
Cour de cassation, Chambre sociale, Arrêt nº 175 du 15 janvier 2002, Pourvoi nº 99-45.979
Cour de cassation, Chambre sociale, Arrêt nº 1810 du 29 mai 2002, Pourvoi nº 00-40.996
Cour de cassation, Chambre sociale, Arrêt nº 1288 du 17 juin 2009, Pourvoi nº 07-44.570
Cour de cassation, Chambre sociale, Arrêt nº 71 du 12 janvier 2005, Pourvoi nº 02-46.571
Cour de cassation, Chambre sociale, Arrêt nº 775 du 26 février 2002, Pourvoi nº 00-41.064
Cour de cassation, Chambre sociale, Arrêt nº 1686 du 25 avril 2001, Pourvoi nº 99-41.681
Cour de cassation, Chambre sociale, Arrêt nº 2078 du 26 octobre 2010, Pourvoi nº 09-42.740
Cour de cassation, Chambre sociale, Arrêt nº 1243 du 25 mai 2011, Pourvoi nº 09-71.026
Cour de cassation, Chambre sociale, Arrêt nº 1495 du 22 juin 2011, Pourvoi nº 09-43.321
Cour de cassation, Chambre sociale, Arrêt nº 2173 du 26 octobre 2011, Pourvoi nº 10-19.001
Cour de cassation, Chambre sociale, Arrêt nº 2155 du 26 octobre 2011, Pourvoi nº 09-71.322
Cour de cassation, Chambre sociale, Arrêt nº 1152 du 10 mai 2012, Pourvoi nº 11-18.661
Cour de cassation, Chambre sociale, Arrêt nº 2564 du 5 décembre 2012, Pourvoi nº 11-21.365
Cour de cassation, Chambre sociale, Arrêt nº 933 du 23 mai 2013, Pourvoi nº 12-15.539
Cour de cassation, Chambre sociale, Arrêt nº 1001 du 29 mai 2013, Pourvoi nº 12-13.437
Cour de cassation, Chambre sociale, Arrêt nº 542 du 23 mars 2017, Pourvoi nº 15-23.090
Cour de cassation, Chambre sociale, Arrêt nº 26 du 17 janvier 2018, Pourvoi nº 16-19.835
Cour de cassation, Chambre sociale, Arrêt nº 39 du 6 janvier 2021, Pourvoi nº 19-14.440
Cour de cassation, Chambre sociale, Arrêt nº 475 du 14 avril 2021, Pourvoi nº 19-12.180
Cour de cassation, Chambre sociale, Arrêt nº 102 du 19 janvier 2022, Pourvoi nº 20-14.014